Des militantes aux icônes pop

Des militantes aux icônes pop est un documentaire produit par Arte et réalisé par Elise Baudoin. Il dure une cinquantaine de minutes et analyse l’évolution de la perception du féminisme des années 70 à aujourd’hui. Le documentaire est ponctué d’interviews de femmes engagées.
On retrouve ainsi l’autrice Leïla Slimani (Chanson douce), la militante féministe Florence Montreynaud, l’historienne Bibia Pavard, la rappeuse Chilla, la journaliste et autrice Roxane Gay (Bad Feminist, Hunger) et l’actrice engagée Aïssa Maïga en voix off.

Elise Baudoin part du constat suivant : les féministes étaient autrefois considérées comme des femmes hirsutes, hystériques, mal baisées (comme le dit Leïla Slimani), bref, elles n’étaient pas appréciées dans la société.
Aujourd’hui, c’est tout le contraire : le féminisme vend. Le féminisme c’est sexy. On retrouve quantité de sweats et t-shirt affublés du message « girl power », « feminist », « girl gang » etc.
Ce marketing du féminisme permet de rendre ce dernier mainstream et accessible à tou·te·s.

Ce côté accessible est d’autant plus renforcé qu’il est véhiculé par les icônes pop, notamment dans le secteur musical.
De Beyoncé qui affiche un immense « Feminist » au concert de la mi-temps du Superbowl à Angèle qui chante « Balance ton quoi » en passant par Nicki Minaj qui revendique son droit à disposer de son corps comme elle l’entend, Chilla qui investit le milieu très masculin du rap français, les Spice Girls, Madonna – toutes ces figures incontournables de la musique contribuent à faire passer un message d’empowerment.

Ce message passe aussi par le fait de disposer de son corps et de sa sexualité comme on l’entend, et comme le dit Zahia Dehar dans son interview. Le corps des femmes devient politique, et se place au centre du mouvement body positive.

Si j’ai bien aimé regarder ce court documentaire, bien construit et fourni en termes d’interviews et de témoignages, je suis ressortie du visionnage frustrée.

J’ai l’impression qu’aujourd’hui, il y a d’un côté les « bonnes » féministes, celles qui ne font pas trop de vague, qui ne sont pas trop extrêmes et font passer leur message de manière douce et gentille, qui prennent encore soin de leur apparence – qui sont donc validées par la culture pop.
Et de l’autre les féministes radicales et vénères, qui elles sont encore épinglées comme hystériques et inconscientes (l’exemple le plus parlant étant celui des Femen, bien que je ne cautionne pas leur discours putophobe, islamophobe et transphobe.)

Le marketing autour du féminisme, le fait même qu’on dise que le féminsme est sexy, me dérange profondément.
Même si ça permet de faire entrer le mouvement dans la culture populaire, son message même, qui rappelons-le, consiste à militer pour atteindre une égalité sociale, politique, économique et culturelle entre les femmes et les hommes, est pour moi complètement pink-washé. Il perd de sa consistance et devient juste un slogan cool à porter.

Son intégration dans la culture pop me donne l’impression que pour beaucoup de gens, la lutte est terminée.
Ben oui, regardez les filles portent des t-shirt avec des messages qui les encouragent à être plus fortes. La marque Veet fait des pubs pour te dire que tu n’es pas obligé·e de t’épiler, mais c’est quand même mieux de le faire avec leurs produits.
Sauf qu’en fait non, c’est loin d’être fini. On compte toujours un féminicide tous les deux ou trois jours. On n’a toujours pas un salaire égal à celui des hommes. On se fait toujours harceler dans la rue. On découvre toujours une nouvelle charge qui repose sur nos épaules (mentale, domestique, émotionnelle, sexuelle…).

Bref, Des militantes aux icônes pop est un court documentaire qui donne matière à moudre. Il peut ouvrir le dialogue et donner des pistes de réflexions pour des personnes qui s’intéressent au féminisme.

Il est visionnable ici : https://www.arte.tv/fr/videos/086901-000-A/pop-feminisme/