Songe à la douceur – Clémentine Beauvais

« C’est pas possible dix-sept ans, c’est une invention,
C’est un âge qu’on a créé pour faire croire aux vieux qu’ils ont été adolescents.
Il est tout à fait certain qu’en réalité,
Personne au monde n’a jamais eu dix-sept ans.« 

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Titre : Songe à la douceur
Auteur : Clémentine Beauvais
Editeur : Sarbacane
Date de publication : 2016

Note : 5/5

Quand Tatiana rencontre Eugène, elle a 14 ans, il en a 17 ; c’est l’été, et il n’a rien d’autre à faire que de lui parler. Il est sûr de lui, charmant et plein d’ennui, et elle timide, idéaliste et romantique. Inévitablement, elle tombe amoureuse, et lui, semblerait-il, aussi. Alors elle lui écrit une lettre ; il la rejette, pour de mauvaises raisons peut-être. Et puis un drame les sépare pour de bon. Dix ans plus tard, ils se retrouvent par hasard. Tatiana s’est affirmée, elle est mûre et confiante ; Eugène s’aperçoit, maintenant, qu’il ne peut plus vivre loin d’elle. Mais est-ce qu’elle veut encore de lui ?

Songe à la douceur est un texte à la beauté renversante !

L’écriture en vers libre peut être, au premier abord, difficile à lire, mais on s’y habitue très vite.
Le rythme, la place des mots et la mise en page changent de manière abrupte, au gré des événements et des émotions des personnages, mais cela permet une lecture beaucoup plus profonde que la prose romanesque classique. Le vers libre permet une très grande liberté d’expression, et cela touche directement le lecteur parce que les choses sont plus aisément exprimées. Les images véhiculées par les figures de styles sont plus vivantes, palpables.

Je prends énormément de plaisir à lire sous ce format là, cela donne lieu à une expérience littéraire totalement différente. Avec la forme poétique, je suis obligée de me concentrer sur le texte, d’observer les effets de mise en page, de compter les syllabes des vers… Ce n’est pas une forme de lecture passive, l’autrice nous fait participer en quelque sorte. Et c’est cela que j’apprécie le plus.

Les deux personnages principaux, Eugène et Tatiana, sont à la fois très forts et abordables. On les découvre pour la première fois alors qu’ils ont respectivement 27 et 24 ans, puis 10 ans plus tôt, pendant leur adolescence, à leur première rencontre.
Eugène, à 17 ans, est un adolescent blasé par la vie et l’amour, le genre de garçon qu’on a envie de secouer par les épaules tellement il est agaçant à se penser au dessus des autres. A 27 ans, il commence seulement à se questionner sur sa vie et ses actions, à s’ouvrir à ce que la vie peut lui offrir.
Tatiana, contrairement à Eugène, était une jeune fille timide à 14 ans, en proie à une vision complètement lyrique de l’amour. Dix ans plus tard, elle a beaucoup plus les pieds sur terre et se réalise totalement dans sa vie professionnelle. Elle ne se laisse pas influencer par ses sentiments et construit sa vie comme elle l’entend. Je l’admire beaucoup pour sa force et sa détermination. C’est un personnage auquel je me suis fortement identifiée.
Leur relation entre Eugène et Tatiana est très belle, et juste. Ce que j’ai beaucoup apprécié, c’est qu’au final elle reste équilibrée.

Le petit plus de ce roman ? La narratrice qui met son grain de sel au gré des pages, interpellant à la fois le lecteur et les personnages ! Elle rajoute un peu de légèreté et d’humour dans une histoire qui n’en possède pas forcément.

Clémentine Beauvais m’a donné très envie de découvrir le texte original qui l’a inspirée, Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine. Elle m’a aussi de nouveau entraînée dans son univers avec son style incroyable. C’est une des rares autrices que je considère comme une valeur sûre, parce que peu importe le genre qu’elle explore, elle le réussit toujours avec brio !