Une culture du viol à la française

Ah la France, qui se dit pays civilisé et qui se revendique de la liberté d’importuner… Heureusement que des livres comme celui de Valérie Rey-Robert existe pour remettre les pendules à l’heure ! On y nage surtout en pleine culture du viol, et c’est d’autant plus évident quand on voit que le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin est d’abus de confiance et de viol ; que Pierre Ménès embrasse des journalistes brutalement, sans consentement et que ça le fait rire (pas elles, quand on regarde les images) ; qu’une femme a été condamnée par la Cour de Cassation parce qu’elle n’a pas effectué son devoir conjugal ; que cette même Cour a disculpé les 20 pompiers violeurs dans l’affaire de Julie… Bref, ce n’est qu’un bref aperçe de l’actualité de ces derniers temps. Pays civilisé nous disions ?

Dans son livre, Valérie Rey-Robert décortique la culture du viol et analyse ses mécanismes insidieux en plusieurs parties bien définies.
Elle commence d’abord par définir la culture du viol. Et les notions qui s’y rattachent (la perpétuent même !). Elle parle donc du patriarcat, qui est un système politique qui tire profit de l’oppression des femmes ; et du sexisme qui réunit les attitudes discriminatoires envers les femmes au sein du système politique patriarcal.
Pour la citer concernant la définition même de la culture du viol :

La culture du viol est la manière dont une société se représente le viol et les violeurs à une époque donnée. Elle se définit par un ensemble de croyances , de mythes et d’idées reçues autour de ces trois items. On parle de « culture » car ces idées reçues imprègnent la société, se transmettent de génération en génération et évoluent au fil du temps. La culture du viol n’est pas la même selon les lieux puisqu’elle dépent fortement de la culture du pays dans laquelle elle naît.

Pour savoir comment la culture du viol s’articule en France, Valérie Rey-Robert propose ensuite une analyse des violences sexuelles plus historique, en s’appuyant sur des textes d’époque, des résultats d’enquêtes nationales et des statistiques.
C’est hallucinant de lire ce qui a pu être écrit concernant les violences sexuelles. Par exemple, le viol d’une vierge était considéré comme plus grave que celui d’une femme mariée. La femme violée était jugée par rapport à sa réputation : si elle était irréprochable, si elle s’était débattue de toute ses forces et que tout ça était prouvé par la paroel de voisin·es, de connaissances etc, le viol était reconnu et le coupable puni. Si aucune de ces conditions n’étaient réunies, la femme était coupable et punie.
Il a fallu 1980 avant d’avoir une définition claire du viol, c’est-à-dire « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. »
Le consentement, quant à lui, ne fait toujours pas partie des notions claires du code pénal en ce qui concerne les viols et agressions sexuelles.

Dans une troisième partie, l’autrice s’intéresse à toutes les idées reçues qui constituent la culture du viol en elle-même, et les démonte une par une.
C’est par exemple continuer de véhiculer l’idée que si une femme est violée, elle l’a forcément cherché à un moment, que ce soit dans la manière dont elle est vêtue, dans son attitude.
C’est toujours décrédibiliser la victime au profit du violeur (ce qui est littéralement ce qu’il s’est passé pour Polanski, Darmanin, Depardieu ou encore PPDA).
C’est imaginer le violeur en inconnu dans un parking sombre alors que les statistiques prouvent que les violeurs sont souvent connus de la victime (famille, amis, conjoint…).

Valérie Rey-Robert se penche ensuite sur la culture du viol en France. La galanterie à la française fait quasiment partie du patrimoine national, au même titre que la baguette. Est-ce que ça en fait une bonne chose ? Certainement pas. On reste juste ancré·es dans des représentations de rapports femmes-hommes déséquilibrés, poussiéreux et arriérés, emprunts de sexisme. C’est ce qu’elle montre au fur et à mesure.

La dernière partie est celle que j’ai préférée, même si elle me laisse sur ma faim. L’autrice propose des solutions auxquelles on a déjà pensé, mais qui sont encore difficilement applicables, que ce soit matériellement ou dans les mentalités de la société.
Il s’agit de repenser l’espace public pour favoriser la circulation des femmes et leur permettre une réappropriation de l’espace pour l’instant occupé par les hommes. Elle donne l’exemple des skate-parks, que je trouve pertinent.
Elle parle aussi de travailler sur l’éducation des enfants et la déconstruction des stéréotypes de genre dès le plus jeune âge. Encore une fois, ça fait sens !
Il faut aussi faire attention à ce qui est véhiculé dans les médias, que ce soit journalistiques ou ciné-séries. Les « crimes passionnels » ont été remplacés par les « féminicides » dans les titres, continuons dans cette même veine dans les articles et les représentations du viol !

Une culture du viol à la française est un livre très bien écrit et documenté. Il permet de comprendre, en profondeur, ce qu’est la culture du viol et dans quel système elle s’inscrit en France. Valérie Rey-Robert a fait un travail colossal, et nous donne à lire un ouvrage essentiel dans la littérature féministe.

3 réflexions sur « Une culture du viol à la française »

  1. Je note évidemment, je parle beaucoup de ce sujet avec mon conjoint et je me rend compte que même si il est pour l’égalité homme-femme, il y a des choses si intégrées en lui comme la société profondément masculine et le patriarcat qu’il peine encore à vraiment comprendre ma colère, mes convictions…

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  2. C’est vraiment une lecture incontournable, je le conseille beaucoup aussi, c’est une démonstration de rigueur, au-delà du message militant ça fait vraiment découvrir la façon dont on peut étudier ces phénomènes

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