Souvent, le nom de Valerie Solanas est associé à celui de la femme folle qui a tenté de tuer Andy Warhol. Son histoire entière est complexe est réduite à cet acte. Je ne cautionne pas cet accès de violence, mais pour replacer dans le contexte : il lui a fait croire qu’il serait son mécène et publierait sa pièce de théâtre, dont elle lui donne le seul exemplaire qu’elle a. Son avenir financier dépent de cette pièce. Andy Warhol la perd et ignore complètement Valerie Solanas.
Elle a été broyée par la société patriarcale : victime de violences sexuelles, précaire au possible, exploitée par les hommes…
Comment ne pas devenir misandre quand la source de son malheur est l’homme et la société faite à son image ?
Valerie Solanas a été une autrice prolifique, dont on n’a gardé que le Scum Manifesto. Ce court essai a souvent été pris à la rigolade, comme le souligne Lauren Bastide dans la postface. Une féministe qui crie sa haine des hommes ne pourrait être rien d’autre qu’un cliché ambulant, qui tient de tels propos pour se faire remarquer. De dire que les hommes sont « des fausses couches ambulantes » ou des « godemichés ambulants » n’aurait été écrit que pour provoquer le rire chez les lecteur·rice·s.
Sauf que non, la signification de ce manifeste est plus profonde que ça. Il s’agit d’une riposte logique face à la violence quotidienne de la misogynie, profondément ancrée dans la société. C’est un appel à ouvrir les yeux sur les rappors de domination et à la révolution des femmes.
Et si une grande majorité de femmes étaient Scum, elles parviendraient en quelques semaines aux commandes du pays en refusant de travailler, c’est-à-dire en paralysant la nation entière. Elles pourraient y ajouter d’autres mesures, dont chacune serait suffisante pour bouleverser l’économie et le reste, comme de rompre avec le système de l’argent, dévaliser les magasins au lieu d’acheter, et refuser d’obéir aux lois chaque fois que ça leur chante.
Publié en 1967, certains aspects décrits par Valérie Solanas sont encore d’actualité. Son engagement anticapitaliste, voire anarchiste dépeint une société utopique dans laquel les rapports humains ne seraient plus régis par la domination masculine et l’argent.
Je ne suis pas d’accord avec tout ce que dit l’autrice. Certaines choses sont beaucoup trop radicales, le vocabulaire ou les raisonnements utilisés parfois dérangeant.
Scum Manifesto reste cependant un texte féministe incontournable, dans lequel on peut puiser de la force quand on ressent la fatigue du militantisme féministe. La postface de Lauren Bastide achève de nous donner une approche complète de ce texte, et on repart chargé·e à bloc.
Merci aux Editions 1001 nuits pour l’envoi de ce livre.
Intéressant je ne connaissais même pas cette femme, son livre pourrait me donner envie, même si je ne suis pas misandre. J’aime me renseigner sur cet aspect.
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c’est très intéressant de se pencher dessus parce qu’au delà du cliché « haine des hommes », la misandrie a des racines plus profondes, c’est une réponse à la misogynie et au sexisme que Valerie Solanas véhicule totalement.
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J’avoue qu’en lisant « SCUM Manifesto », je ne savais pas quoi en penser, je rigolais parfois par gêne, je trouvais parfois les propos transphobes (est-ce l’époque? je ne sais pas, mais en tout cas ça m’a dérangée), mais, une fois le livre digéré, je me suis rendue compte que je l’avais apprécié. Comme tu le soulignes, il y a des propos pertinents et c’est intéressant de lire ce livre, on en tire quelque chose mine de rien.
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Ah oui j’ai eu ce même questionnement concernant les propos que je qualifierai des transphobes aussi. Ca m’a mise mal à l’aise de les lire. Et effectivement vu l’époque et le degré de radicalité de Valerie Solanas, son texte n’est pas à prendre au pied de la lettre, mais il y a pas mal de choses à en retenir.
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J’ai commencé à me documenter sur Valérie Solanas suite aux références qui lui sont faites dans la série American Horror Story, la saison « Cult », et où son manifeste est abordé. J’ai été intéressée, plus que par le personnage, mais par son destin tragique, son histoire et sa haine parfaitement compréhensible. Je ne sais toujours pas bien qu’en penser, mais comme toi, je suis d’accord avec les grands aspects, qu’on ne peut pas nier.
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Oh je ne savais pas qu’une saison d’American Horror Story parlait d’elle ! Il faut que je la regard, merci 😀
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