Ma lecture de Dietland, roman de Sarai Walker, s’est faite en résonnance avec l’actualité. Vous avez peut être entendu parler de la nouvelle émission de M6, Renaissance ? Ce concentré de grossophobie consiste à montrer la perte de poids de personnes obèses et de célébrer leur « renaissance » (comme si ces personnes n’avaient pas vécu jusque là…). L’émission a été étrillée à juste titre dans une tribune de Gras Politique, qui a également lancé une pétition que je vous invite à aller signer.
Pour en revenir au roman, Dietland est un mélange extraordinaire de dénonciation de la grossophobie ordinaire, d’alliance et de riposte féministe. L’autrice, Sarai Walker, fait le tour du sexisme dans notre société ; du carcan qui enferme les femmes dans une haine de leur corps et une comparaison constante aux autres ; de la misogynie omniprésente.
J’ai adoré suivre Plum, l’héroïne, dans son évolution. C’est une jeune femme grosse qui, bombardée par les diktats de beauté, ne s’aime pas et rêve du jour où elle pourra faire se faire installer un anneau gastrique. Toute sa vie tourne autour des régimes, elle associe des calories à chaque aliment qu’elle mange, et ne supporte pas le regard des autres.
En même temps, les autres sont d’une cruauté sans nom, lui rappelant constamment qu’elle n’est pas « normale » : insultes voire agression physique, hypersexualisation, mépris… Tout y passe. Difficile de garder confiance en soi et moral.
Puis il suffit d’une rencontre pour que tout bascule : de femme solitaire, effacée et peu sûre d’elle, Plum se retrouve entourée et soutenue par un collectif de féministes et prend de l’assurance. Elle déconstruit progressivement tout ce qu’elle avait intériorisé.
Non, une femme ne doit pas être la plus petite possible pour prendre le moins de place possible dans la société.
Non, une femme ne doit pas rester silencieuse et polie face aux hommes abjectes.
Non, une femme ne doit pas être parfaite physiquement pour exister.
Non, une femme ne doit pas s’affamer pour se sentir bien dans son corps.
Plum travaille pour un magazine destiné aux adolescentes. Par ce biais, l’autrice dénonce l’hypocrisie de ce média. J’ai ri inroniquement à la mention de l’écriture d’un article sur l’utilisation des tampons sans utiliser le mot « vagin ».
Le magazine bombarde les ados de conseils contradictoires tels que « soyez vous-mêmes » et « comment perdre les kg en trop avant l’été ». Comme dans toute la presse féminine !
Plum répond aux mails envoyés par les lectrices, qui traduisent un mal être profondément ancré : elles se scarifient, se demandent si c’est normal que leur petit ami les force à faire des actes sexuels par amour, ou que leur mère ne les croient pas quand elles disent que le beau-père les tripotent…
C’est glaçant et pourtant ô combien proche de la réalité.
Ce que j’ai préféré par-dessus tout, dans ce roman, c’est Jennifer. Ce n’est pas un personnage, mais une organisation féministe qui riposte face à tant de misogynie dans la société. Les hommes qui violent, tuent, mutilent sont kidnappés et tués à leur tour. La peur change progressivement de camp. C’est jouissif, comme une bouffée d’air frais. Ca permet d’évacuer la colère de manière cathartique.
Je ne suis pas pour une inversion de la violence et de la peur, mais tout de même, ça fait du bien à lire !
Le seul bémol pour moi, c’est la vision de la pornographie que véhicule l’autrice. C’est trash et moralisateur. Alors certes, comme dans tout ce qui touche au sexe, il y a de l’exploitation dégueulasse des femmes, mais pas partout. Le porno féministe et/ou éthique existe, attention à ne pas tout mettre dans le même panier et faire des généralités.
Dietland a été traduit en français sous le titre (In)visible chez Gallimard !
C’est très intéressant. Oui, les carcans existent toujours. Et il faut encore et toujours les dénoncer.
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