Imaginez un futur proche, dans lequel les femmes perdent de nouveau le contrôle de leur corps. Dans lequel l’avortement est illégal…
Les heures rouges
Leni Zumas
Les Presses de la Cité
2018
408 pages / 21 euros
Note : 5/5
« Deux ans plus tôt, le Congrès américain a ratifié l’amendement sur l’identité de la personne, qui accorde le droit constitutionnel à la vie, à la liberté et à la propriété à un oeuf dès l’instant de sa conception. L’avortement est aujourd’hui illégal dans les cinquante Etats. Les avorteurs peuvent être accusés de meurtre au second degré et les femmes désireuses d’avorter, de complicité de meurtre. La fécondation in vitro est également interdite au niveau fédéral, parce que l’amendement condamne le transfert d’embryons du laboratoire dans l’utérus (les embryons ne sont pas en mesure d’y consentir). »
États-Unis, demain. Avortement interdit, adoption et PMA pour les femmes seules sur le point de l’être aussi. Non loin de Salem, Oregon, dans un petit village de pêcheurs, cinq femmes voient leur destin se lier à l’aube de cette nouvelle ère.
Ro, professeure célibataire de quarante-deux ans, tente de concevoir un enfant et d’écrire la biographie d’Eivør, exploratrice islandaise du XIXe siècle.
Des enfants, Susan en a, mais elle est lasse de sa vie de mère au foyer – de son renoncement à une carrière d’avocate, des jours qui passent et se ressemblent.
Mattie, la meilleure élève de Ro, n’a pas peur de l’avenir : elle sera scientifique. Par curiosité, elle se laisse déshabiller à l’arrière d’une voiture…
Et Gin. Gin la guérisseuse, Gin au passé meurtri, Gin la marginale à laquelle les hommes font un procès en sorcellerie parce qu’elle a voulu aider les femmes.
Les heures rouges m’a beaucoup rappelé La servante écarlate de Margaret Atwood pour le côté angoissant concernant la reproduction et le contrôle des corps féminins. Ici, l’avortement est puni par la loi, les femmes célibataires ne seront bientôt plus autorisées à avoir des enfants seules, et le modèle père-mère est vu comme le seul environnement viable pour élever un enfant… Bref, c’est une société dans laquelle il fait bon vivre !
Mais contrairement à La servante écarlate, il n’y a pas de dimension dystopique. Le récit est complètement ancré dans la réalité, et c’est d’autant plus effrayant que cela fait écho à ce qu’il se passe politiquement aujourd’hui dans le monde entier, avec la montée de l’extrême droite ou des partis conservateurs dans certains pays.
J’ai beaucoup aimé ce roman pour sa construction. La narration est divisé entre quatre personnages principaux, chacune étant appelée par sa profession ou son statut : la biographe, la fille, l’épouse et la guérisseuse. Cela contribue à les déshumaniser en quelque sorte, et je trouve le choix de l’autrice très pertinent compte tenu de la société dans laquelle elles vivent.
La narration peut paraître froide et détachée au début, mais je m’y suis rapidement faite. Ce style particulier contribue à rendre le livre encore plus intéressant. On plonge dans les pensées des personnages : leurs inquiétudes, leurs aspirations, leurs désirs…
Ces quatre femmes, Roberta, Mattie, Gin et Susan, sont chacune liées à la dimension de procréer, au contrôle de leur corps :
- L’une veut des enfants mais ne peut pas
- L’une en a mais n’en peut plus, voudrait ne pas en avoir
- L’une peut en avoir mais veut avorter
- L’une en a eu un mais l’a abandonné à la naissance
Ce sont donc quatre points de vue différents sur l’avortement, la PMA/GPA et la maternité. Cela permet de balayer toutes les situations auxquelles les femmes sont confrontées dès qu’il s’agit de leur corps et de faire des enfants.
Les Heures Rouges prend aux tripes, je l’ai dévoré. J’ai tout aimé, que ce soit le style de l’autrice, les personnages, les enjeux, la critique de la société, la sonnette d’alarme tirée…
Je remercie encore les éditions Presses de la Cité pour l’envoi de ce livre.
Une lecture très intéressante avec un angle d’attaque réaliste qui m’intéresse.
Merci pour la découverte !
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Il est vraiment édifiant, surtout quand on regarde le contexte de la société actuelle ! Ça fait froid dans le dos.
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Ca fait pas mal de temps qu’il me fait de l’oeil celui-là ! Ton avis me conforte dans mon envie de le lire 🙂
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Chouette ! J’espère que tu l’aimeras 😊
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