“Les gens tiennent la réalité pour acquise.
De la même manière qu’on fait bien la différence entre le rêve et la vraie vie. Quand on rêve, on ne le sait pas forcément, mais quand on se réveille, on perçoit bien que ce n’était qu’un rêve et que tout ce qu’on a rêvé, bon ou mauvais, n’est pas réel. A moins qu’on soit dans la Matrice, le monde est réel et tout ce qu’on y fait aussi. Pas besoin d’y réfléchir pendant des heures.
Les gens tiennent ça pour acquis.”
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Titre : Je t’ai rêvé
Auteur : Francesca Zappia
Editeur : Robert Laffont
Date de publication : 2015
Note : 5/5
– Résumé –
Atteinte de schizophrénie, Alex n’est pas une adolescente comme les autres. Pour elle, la réalité est peuplée d’éléments improbables : un phénix qui parfois la survole, une coccinelle avec des taches en forme d’étoiles… Elle prend des médicaments pour stabiliser son état, et va au lycée sous prescription de sa psy, qui pense que ça ne peut que lui faire du bien. Elle fait donc sa rentrée au lycée d’East Shoal. Commence alors pour elle une vie faite de normalité : rencontrer des amis, aller à une fête, tomber amoureuse… Mais sa maladie la fait douter, est-ce que toutes ces choses sont réelles ou le résultat d’hallucinations ?
– Avis –
J’ai adoré ce roman très doux et vraiment bien écrit sur un sujet très peu abordé dans la littérature jeunesse et YA : la schizophrénie. Cette maladie, à cause des séries TV, fait immédiatement penser à des meurtres, des serial killers… Alors qu’elle peut prendre une forme beaucoup moins violente, comme le décrit si bien Francesca Zappia dans son roman.
Alex est une héroïne très touchante et attachante. Je l’ai beaucoup appréciée pour sa douceur et sa volonté de lutter contre cette maladie en utilisant un appareil photo pour faire la part des choses entre ce qui est hallucination et ce qui est réel. Elle est très lucide sur ce qui lui arrive, et le fait que le roman soit écrit à la première personne nous permet une immersion totale dans son quotidien, dans ce qu’elle vit, ce qui fait partie de sa réalité. Comme elle, j’ai été surprise que certains éléments, qui paraissaient totalement plausibles, soient en fait des produits de son imagination.
Pour quelqu’un qui est atteint d’une maladie mentale, je la trouve bien plus saine d’esprit que certains autres personnages. Je pense notamment à Cliff et Ria, qui sont catégorisés comme des personnes “normales”, mais qui font preuve d’une très grande méchanceté, voire de violence. Ce parallèle permet de relativiser le rapport de rejet qu’on peut avoir face à une telle maladie : des personnes non atteintes peuvent être bien pires.
La relation d’Alex avec Miles ou les membres du club de travaux d’intérêt général est basée sur une appréciation mutuelle, qui va au-delà de sa maladie. Ils ne se laissent pas atteindre par les préjugés véhiculés à propos de la schizophrénie.
J’ai vraiment accroché à ce roman, cette histoire sur un sujet plutôt sensible, écrite avec beaucoup de poésie et de délicatesse. Grâce à ce livre, j’ai pu aussi découvrir un aspect de la schizophrénie autre que celui du dangereux serial killer. C’est une maladie avec laquelle il est difficile de vivre, mais qui n’empêche pas de vivre justement. C’est un coup de coeur pour ce superbe roman !